Discours pour la journée nationale des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions
Discours pour la journée nationale des mémoires de la traite négrière,
de l’esclavage et de leurs abolitions
Philippe Deguiral, Président de groupe des élus EELV de Saint-Nazaire
Monsieur le sous-préfet
Mesdames et messieurs les élus
Mesdames et messieurs
Aujourd’hui 10 mai 2014 est la 9 e journée nationale des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.
N’en déplaise à certains, cette commémoration, civile, républicaine est utile et cohérente. La municipalité de St-Nazaire n’y dérogera pas.
Nous sommes tous rassemblés femmes et hommes épris des valeurs républicaines dans un lieu hautement chargé d’histoire et de culture et donc d’émotion.
Pendant de trop nombreuses années des bateaux de la honte, richement dotés ont descendu ce beau fleuve, avec des desseins contraires à l’humanité, sous le sceau de ce funeste code noir royal.
La date du 10 mai a été choisie en référence au 10 mai 2001, jour où les élus de la république ont adopté à l’unanimité une loi unique au monde reconnaissant l’esclavage et la traite comme un crime contre l’humanité.
Mais cette date correspond également à un anniversaire plus lointain et dramatique. En 1802, l’esclavage avait été aboli depuis 8 ans par la Convention. Napoléon Bonaparte œuvrait avec certains propriétaires blancs antillais pour le rétablir. Rendons hommage en ce jour à Louis DELGRES cet officier, trop peu connu, initialement sous les ordres du pouvoir français, qui en mai se trouvait en Guadeloupe et a décidé avec 300 de ses hommes de défendre ses idéaux républicains et de combattre l’armée du trop fameux général Richepance, dépêché par Napoléon pour anéantir les combattants favorables au maintien de l’abolition.
Le 10 mai 1802, Louis Delgrès publie une déclaration qu’il destine à l’univers entier et qui peut raisonner très fort à nos esprits.
On y lit entre autre :
« Nos anciens tyrans permettaient à un maitre d’affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes malheureusement trop puissants par leur éloignement de l’autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d’hommes noirs ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l’esclavage… »
Louis Delgrès retranché avec ses hommes meurt quelques jours plus tard.
Le célèbre poète Aimé Césaire lui rendra hommage dans un très long poème épique qu’il conclut ainsi :
« constructeur du cœur dans la chair molle des mangliers,
aujourd’hui Delgrès
au creux des chemins qui se croisent
ramassant ce nom hors maremmes
je te clame et à tout vent futur
toi buccinateur d’une lointaine vendange. »
Il n’y a plus aujourd’hui d’esclavage dans notre pays, identique à celui qui se pratiquait dans le commerce triangulaire. Cependant, on observe dans le monde des pratiques assez proches : des régimes ou factions faisant appel à des enfants soldats, des exploitations indignes de populations dans des conditions de travail et donc de vie misérables. Plus proches de nous, nous pouvons être les témoins de formes modernes d’esclavagisme : les discriminations de tous ordres, sexuelles et sociales, différents types de harcèlement, des actes et paroles racistes, le commerce des corps, les agissements des sectes. Au niveau individuel les stéréotypes scolaires sexués ou de classe sociale, toutes les sortes d’addictions.
Soyons fiers de notre devise républicaine : liberté, égalité, qui correspondent en fait à des droits et la fraternité qui doit être une obligation.
Soyons confiants dans nos institutions, dans les associations qui œuvrent pour faire vivre cette devise. Mais cette confiance doit aussi s’accompagner d’une vigilance citoyenne, salutaire et quotidienne.
Sur l’œuvre de Jean Claude MAYO qui se trouve à nos côtés, ayant pour thème l’abolition de l’esclavage, on remarque trois esclaves, le premier est enchainé, le deuxième lutte pour sa libération et enfin le troisième, l’esclave libéré, regarde l’avenir.
Puisse cette journée de mémoire nous rendre plus forts et convaincus de la nécessité de se souvenir, de rendre hommage, pour envisager notre avenir collectif et individuel plus positivement et sans servitude.