Lutter contre les violences sexistes

Intevention de Sarah Trichet-Allaire sur la Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes lors du conseil municipal du 17 novembre 2017.

M. le Maire, chèr.es collègues, mesdames messieurs,

Ces deux délibérations sont le miroir des changements que nous voyons en ce moment dans nos sociétés.

Car oui, nous sommes à un tournant historique. Nous sommes à une époque où les discriminations, les inégalités entre les femmes et les hommes ne deviennent plus acceptables.

Il y a eu les révélations collectives d’agressions sexuelles en France : d’abord une tribune de journalistes politiques, en 2015, montrant le sexisme de beaucoup d’hommes politiques.

Puis, fracassantes, les accusations de quatre élues écologistes envers Denis Baupin, qui s’est soldé par un procès. Si la prescription a joué, le jugement a bien reconnu que les faits étaient avérés.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’affaire Weinstein dans le milieu du cinéma, a révélé combien actrices et réalisatrices étaient soumises au harcèlement ou au viol, en toute impunité. Elle a fait écho à d’autres dénonciations massives, envers Woody Allen, Bill Cosby ou Roman Polanski.

Et ce matin, l’hôpital, l’opéra. Les déclarations arrivent de toute part.

N’oublions pas aussi les candidates de Miss Pérou qui ont magnifiquement dénoncé les violences envers les femmes : «Mon nom est Camila Canicoba et mes mensurations sont les suivantes : 2202 cas de féminicides dans les neuf dernières années dans mon pays». L’organisatrice du défilé avait
déclaré : « Ceux qui ne dénoncent pas et qui ne font rien pour que cela cesse se rendent complices »

Et ainsi, la parole délivrée publiquement par des femmes de pouvoir, a permis de libérer la parole d’autres femmes : +30 % de plaintes déposées à la gendarmerie en octobre 2017, par rapport à l’année dernière.

Nous sommes à un véritable changement historique. Toutes ces années, toutes ces décennies, tous ces siècles, les femmes ont subi la domination masculine des sociétés patriarcales. Car nous étions isolées, seules face à nos maris. Et puis, parfois nous n’étions même pas citoyennes, nous n’avions
pas le droit d’être un être humain.

Mais aujourd’hui, oui, aujourd’hui, nous sommes à un moment où les droits des femmes sont plutôt élevés – les droits des femmes sont cycliques : un « backlash », retour de bâton, arrive après chaque avancée féministe – et, surtout, où nous avons de nouveaux outils. Des réseaux sur internet qui
permettent de communiquer les unes avec les autres. Oui, les réseaux sociaux, pour une fois, ont été vraiment utiles. Pour reprendre une phrase de Françoise Héritier, dont la disparition récente est une perte immense pour le féminisme et l’humanité : « C’est ce qui nous a manqué depuis des
millénaires : comprendre que nous n’étions pas toutes seules ! »

Alors, tout cela est bien beau, mais quel rapport avec la politique municipale, me diriez-vous ?

Et bien tout. La signature de la Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui vient d’être présentée est fondatrice d’une action en profondeur afin d’aller vers la fin, non pas des agressions – je ne suis pas si utopiste –, mais la fin de l’impunité. La fin du silence.

Car pour nous êtres tues si longtemps, c’est qu’il y avait un certain nombre de raisons. Lorsqu’une femme parle. Qu’elle dit avoir été violée ou agressée.

Pour commencer, bien souvent, les questions fusent : « comment étais-tu habillée ? Où étais-tu ? Que faisais-tu dehors ? » Mais une femme doit pouvoir faire son jogging nue dehors en pleine nuit sans se faire agresser !
Lorsque quelqu’un se fait cambrioler, personne ne lui demande si un objet de valeur était mis devant la fenêtre…

Ces questions impliquent que la responsabilité pourrait être partagée, voire que la victime est fautive.

Puis, porter plainte. Il faut déjà vouloir porter plainte, quand son entourage dit « oh, c’est pas grave, c’est juste une blague pas bien méchante », etc.

Et là encore, il faut que la plainte soit acceptée, que la police ou la gendarmerie n’encourage pas à déposer une main courante – oui, c’est plutôt fréquent, comme réaction. Il faut pouvoir parler,
quand les agents ne sont pas toujours formés ni bienveillants – et on retrouve les mêmes questions : « êtes-vous sûrs ? N’avez-vous pas mal interprété ? »

Et puis le procès. Revivre l’agression. Voir sa vie intime dévoilée. Se retrouver de nouveau en situation d’être un peu coupable – des mois, voire des années après les faits, tant les délais de la justice sont longs.

Et risquer le non-lieu faute de preuve (parole contre parole), la prescription.

Et enfin, risquer une plainte pour dénonciation calomnieuse. Ou encore risquer de perdre son emploi. En France, 95 % – 95 % ! – des femmes qui dénoncent des faits d’agression au travail perdent leur emploi.

Alors oui, libérer la parole est nécessaire. Mais surtout, surtout il faut ouvrir grand les yeux, grand les oreilles, écouter et agir.

C’est ce que nous faisons, aujourd’hui, en signant cette Charte.

Je vous remercie.

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